« Depuis le début de la pandémie, environ 15% des infirmières et infirmiers des unités de soins intensifs ont quitté leur emploi parce qu’ils n’en pouvaient plus. » J’ai vu cette phrase lors de l'appel à la campagne de votation « OUI pour des soins infirmiers forts » qui sera votée le 28 novembre. Malgré le fait que certains/nes infirmiers/ ères en ayant marre de leurs conditions de travail choisissent de quitter leur emploi, il y a aussi ceux/celles qui choisissent de changer ces conditions ensemble.
Surtout récemment, dans certains cantons de Suisse, des infirmiers/ières en blouses d'hôpitaux blanches, bleues ou vertes ont organisé des manifestations de rue dans ce qu'ils appellent la « Walk of Care ». Ils essaient de faire entendre leur voix auprès du public et des mécanismes de prise de décision pour améliorer leurs conditions de travail. De plus, avec les milliers de signatures qu'ils ont recueillies, ils ont lancé l'initiative référendaire « OUI pour des soins infirmiers forts » qui sera votée le 28 novembre.
J’ai interviewé Pierre-André Wagner*, le responsable du service juridique de l'Association Suisse des Infirmières et Infirmiers (SBK-ASI) qui est l'une des plus grandes revendicatrices de cette initiative. Il parle des conditions de travail des infirmiers et infirmières, du travail organisationnel d'ASI et de l'initiative « OUI pour des soins infirmiers forts ».
INFIRMIÈRES EN CRISE !
Quels sont les problèmes rencontrés par les infirmières sur le lieu de travail ?
Principalement des conditions de travail difficilement compatibles avec la vie de famille (la profession est aujourd'hui encore pratiquée à 90%par des femmes) et des dotations insuffisantes, compromettant la sécurité des patients. L'impossibilité de fournir des soins de qualité constitue un facteur majeur de frustration, de détresse morale et finalement de burnout et d'exode professionnel précoce. Une énorme cause de désaffection: les modifications à (très) court terme des plannings, la flexibilité extrême que cela implique et, encore une fois, la difficulté de concilier vie professionnelle et vie sociale et familiale. En plus des infirmières qui tournent carrément le dos à la profession, nombreuses sont celles qui réduisent leur taux d'emploi (leur proportion augmente bien sûr avec l'âge).
LA LOI DU CONTRAT DE TRAVAIL EN SUISSE EST TRÈS LIBÉRALE « EN FAVEUR DES EMPLOYEURS »
Que voudriez-vous dire sur le droit syndical des infirmières ? Comment vous organisez-vous pour résoudre ces problèmes ?
Le système de santé suisse est très complexe: les conditions de travail sont l'affaire des employeurs, notre loi fédérale sur le travail et la loi du contrat de travail sont très libérales (en faveur des employeurs) en comparaison avec le droit européen (la Suisse n'est malheureusement pas membre de l'UE). Les conventions collectives de travail (CCT) sont plutôt rares dans le domaine de la santé. Une partie des employeurs (hôpitaux, cliniques, établissements pour personnes âgées, organisations de soins à domicile) sont privées, d'autres sont publics, les uns sont à but lucratif, les autres non, avec des formes intermédiaires… Le financement est réglé au niveau fédéral, mais diffère d'un secteur à l'autre, par ex. forfaits par cas (DRG) pour les hôpitaux, etc. etc. Nous avons donc à faire à une multitude d'interlocuteurs à tous les niveaux étatiques (la Suisse est un pays fédéraliste).
Négociations collectives n'ont pas lieu partout; comme nous ne connaissons pas de CCT nationale, les CCT, où elles existent, sont de la compétence de nos sections, qui en règle générale s'allient aux syndicats. L'ASI et ses sections régionales interviennent donc au niveau fédéral, cantonal, communal, vis-à-vis des autorités, des employeurs, des assureurs-maladie. De plus en plus, nous agissons par le biais des média pour faire pression sur les décideurs.
ASI A CHANGÉ LA MÉTHODE D'ORGANISATION « DE HAUT EN BAS »
Les infirmières ont fait des actions revendicative et créatives ces derniers temps. Quelles stratégies utilisez-vous pour coordonner la participation active de vos membres à ces actions ?
Longtemps, l'ASI poursuivit une approche "élitaire" ou top town. Actuellement s'opère un changement de paradigme, basé sur la notion d'"organizing" et consistant à ne pas se substituer à nos membres, mais à les soutenir dans la formulation et la poursuite de revendications propres. Un bon exemple sont les périodiques "walks of care", défilés organisés par certaines sections régionales pour attirer l'attention du public/des passants sur la situation et les revendications des infirmières
“OUI” POUR LES SOINS DE QUALITÉ ACCESSIBLES POUR TOUS ET LES CONDITIONS DE TRAVAIL QUE CELA IMPLIQUE !
Concernant l’initiative sur les soins, en votation le 28 novembre, pouvez-vous nous dire pourquoi les gens devraient voter OUI ?
Parce qu'après 20 ans de démarches infructueuses de l'ASI au Parlement fédéral, c'est leur dernière chance que des mesures efficaces soient prises pour pallier la dramatique pénurie d'infirmières et garantir des soins infirmiers de qualité à l'avenir; comme le revendique notre initiative populaire, garantir des soins de qualité accessibles à tous et les conditions de travail que cela implique. Et ce à très bon marché, parce que les soins infirmiers constituent un investissement, et non une dépense ("nurses save lives and save money" – Suzanne Gordon), contrairement à ce que s'obstinent à proclamer nos adversaires politiques.
C’EST QUOI LE SBK-ASI ?
Pouvez-vous vous présenter ainsi que ASI (Association suisse des infirmières et infirmiers) ?
Pierre-André Wagner, études de droit aux Universités de Berne (CH) et York à Toronto (CDN), brevet d'avocat, pratique professionnelle en tant que greffier à la Cour suprême fédérale, puis études d'infirmier, pratique clinique en neurochirurgie et chirurgie pédiatrique, depuis 2001 responsable du service juridique de l'ASI et membre de l'association.
L'ASI (Association suisse des infirmières et infirmiers) est la seule association professionnelle des infirmières diplômées (c'est-à-dire formées au niveau tertiaire) en Suisse. Elle compte 26'000 membres, et donc entre un quart et un tiers des infirmières pratiquant en Suisse. L'ASI est une association de droit privé sans but lucratif, elle n'obtient aucune subvention étatique, financée essentiellement par les cotisation de ses membres. Sa structure est fédéraliste, elle compte 13 sections régionales qui couvrent tous les (26) cantons du pays. En outre, elle compte en son sein nombre d'"associations spécialisées" (inf. anesthésistes, inf. urgentistes, inf. de salle d'OP, etc. etc.) ainsi qu'une association estudiantine forte de près de 3'000 membres.
L'ASI est en premier lieu une association professionnelle, mais ses statuts prévoient aussi un mandat syndical. Nous ne nous investissons donc pas seulement pour le développement de la profession infirmières, mais également pour le bien-être socio-économique de nos membres, et donc pour de meilleures conditions de travail. L'ASI est membre du Conseil international des infirmières (CII).
Quelle est la stratégie de croissance de votre association ?
En partie, nous nous fions au bouche à oreille et à la visibilité de nos activités dans les média par exemple. De plus, nos sections présentent régulièrement l'ASI dans les écoles d'infirmières. Depuis 2014, sur mon initiative, l'adhésion à l'ASI est gratuite pour les étudiantes pour toute la durée de leurs études, ce qui a mené à une augmentation massive du nombre de jeunes membres (l'ASI avait et a encore un gros problème démographique en raison de l'âge moyen élevé de ses membres).
Pour avoir plus d'informations sur l'initiative sur les soins infirmiers, vous pouvez les trouver sur ce site : https://actif.pour-des-soins-infirmiers-forts.ch/materiel
Photos: SBK-ASI
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